Depuis 2022, le Cercle FSER propose un accès privilégié à son programme « Comptoir des sciences » aux établissements scolaires bénéficiant des plans d’équipement de « Sciences à l’École ». En rencontrant en visioconférence des chercheurs engagés, les élèves ont ainsi l’opportunité de débattre en direct avec les acteurs de la science. Autant d’échanges autour des enjeux de la recherche venant aiguiser leur esprit critique et susceptibles de faire éclore des vocations !

« Sciences à l’École » a recueilli le témoignage de Sandrine Gonin-Giraud, enseignante-chercheuse à l’Université Claude Bernard Lyon 1, spécialisée dans les domaines de la génétique et de la biologie cellulaire et moléculaire.

Le 26 mai 2023, elle rencontrait des élèves de première du lycée Jean-Pierre Vernant à Sèvres pour deux heures d’échanges autour de ses travaux, de son parcours, de sa vocation et des enjeux de la recherche scientifique.

Hervé Levesque, professeur de SVT au lycée Jean-Pierre Vernant à Sèvres, avait inscrit cette classe au dispositif « Comptoir des sciences ». Son établissement scolaire est membre du réseau « GÉNOME à l’École », une opération pilotée par « Sciences à l’École ».

Le lycée Jean-Pierre Vernant à Sèvres (académie de Versailles) – Crédits photo : site fr.wikipedia.org


Quels étaient la problématique et le contenu scientifique retenus en concertation avec l’enseignant pour les échanges prévus avec les élèves ? Comment y avez-vous répondu concrètement lors de la rencontre avec les élèves ?

La ligne directrice que nous avons retenue avec l’enseignant de SVT était d’illustrer aux élèves combien les connaissances peuvent évoluer grâce à la contribution de tous les chercheurs mais aussi grâce aux développements technologiques. Un dogme profondément enraciné au sein de la communauté scientifique peut ainsi être remis un jour en question en raison des progrès théoriques et techniques, faisant ainsi de la Science et de la Recherche un domaine constamment évolutif et plein d’opportunités.

La classe de première en visioconférence avec Sandrine Gonin-Giraud le 26 mai 2023 –  Lycée Jean-Pierre Vernant à Sèvres (académie de Versailles) – Crédits photo : Hervé Levesque.

Dans la première partie de ma présentation, j’ai exposé aux lycéens mes recherches sur l’analyse de l’expression génique à l’échelle de la cellule unique pendant le processus de différenciation érythrocytaire. L’objectif principal de cette présentation était de souligner la contribution des nouvelles technologies d’analyse du transcriptome à une compréhension approfondie des processus biologiques, avec des implications significatives tant sur le plan fondamental qu’appliqué.

Dans la seconde partie de ma présentation, j’ai fait le choix de décrire un pan plus ancien de mes recherches portant sur l’oncogène v-erbA dérivé d’un rétrovirus aviaire, capable de bloquer le processus de différenciation érythrocytaire. Pour ce faire, cet oncogène modifie la composition des ribosomes, lui conférant la capacité de détourner la synthèse protéique globale au bénéfice de la cellule ; cette cellule acquiert alors la capacité de proliférer de manière anarchique et participe ainsi au développement d’un cancer. Il a été longtemps admis que la composition des ribosomes était figée et qu’ils étaient toujours composés des mêmes protéines et des mêmes ARNs.

Nos travaux, en association à d’autres recherches menées à l’échelle mondiale, ont montré simultanément que ce dogme ne pouvait être généralisé et que les ribosomes de par leur composition différente pouvaient participer à l’établissement de différentes pathologies. Participer à une telle découverte, en maintenant une conviction sincère dans mes travaux et résultats malgré les premières réticences rencontrées au sein de la communauté scientifique, est une expérience qui a profondément marquée ma carrière.

Pour illustrer ce travail aux lycéens, j’ai débuté ma présentation par une brève revue des étapes de l’expression génique, en mettant l’accent sur le processus de traduction, notamment en ce qui concerne le rôle des ribosomes. J’ai ensuite présenté notre hypothèse de travail et la démarche scientifique que nous avons suivie pour répondre au mieux à la question biologique posée : notre modèle cellulaire est-il pertinent ?, quelles sont les approches et techniques les plus appropriées ?, combien de répétitions faut-il faire ?, comment solidifier nos résultats ?, comment interpréter objectivement nos résultats ?, comment communiquer à l’oral et à l’écrit sur nos résultats … J’ai ensuite présenté le processus de publication et de validation des recherches par les pairs.


Pour quelle(s) raison(s) avez-vous accepté de vous engager dans ce dispositif « Comptoir des sciences » ? Quels enjeux voyez-vous dans ce dialogue entre les jeunes et les acteurs de la recherche fondamentale ? En quoi cela nourrit-il le débat entre Science et Société ?

Mon engagement dans le dispositif « Comptoir des Sciences » découle d’une combinaison de passions pour l’enseignement et la recherche, et de l’envie d’inspirer la jeunesse qui devra répondre à de nouveaux enjeux sociétaux.

Je suis en effet convaincue que partager les connaissances scientifiques avec les lycéens contribue à former une société plus informée et engagée. J’espère aussi, par ces actions, pouvoir inspirer de nouvelles vocations car échanger avec des lycéens offre une opportunité unique de guider et d’encourager les jeunes esprits curieux vers des carrières stimulantes dans le domaine des Sciences. J’ai d’ailleurs durant ma présentation, mis en lumière le caractère fortuit des recherches et les retombées spectaculaires de certaines, à travers deux exemples connus : la découverte de la pénicilline et celle des « ciseaux moléculaires » CRISPR-Cas9, pour lesquelles les chercheurs ont été honorés par un prix Nobel.

Enfin, notre société fait face aujourd’hui à des défis complexes qui nécessitent une compréhension approfondie des Sciences. En participant à la diffusion des Sciences auprès des lycéens, je contribue à transmettre des connaissances scientifiques solides reposant sur des démarches scientifiques rigoureuses et accessibles au grand public.

Participer à des actions de diffusion et vulgarisation scientifique est donc à mes yeux une opportunité enrichissante de contribuer positivement à l’avenir de la Science.

Depuis 2004, j’exerce en tant qu’enseignante-chercheuse à l’Université Claude Bernard Lyon 1 et au laboratoire de biologie et modélisation de la cellule LBMC – ENS de Lyon, et je suis spécialisée dans les domaines de la génétique et de la biologie cellulaire et moléculaire. Cette fonction, comme son intitulé l’indique, comporte deux missions majeures : l’enseignement et la recherche, tout en incluant les missions collectives qui leurs sont associées.

Activités de recherche

Depuis un certain nombre d’années maintenant, je m’investis dans des projets scientifiques interdisciplinaires qui réunissent des biologistes, des bio-informaticiens et des mathématiciens. Cette interdisciplinarité pour aborder des questions scientifiques de plus en plus complexes crée un environnement professionnel particulièrement enrichissant et stimulant, dont je tire une grande satisfaction.

Mes projets de recherche visent à comprendre comment les cellules prennent la décision de se différencier, en se plaçant non pas à l’échelle de la population cellulaire mais au niveau de chaque cellule prise individuellement. En effet, nous savons aujourd’hui que les cellules au sein d’une population supposée homogène présentent en réalité une très forte hétérogénéité, qui a un rôle biologique bien démontré aujourd’hui. Pour appréhender les mécanismes sous-jacents au choix cellulaire, je m’appuie sur un modèle de cellules érythrocytaires aviaires et sur des approches technologiques innovantes permettant l’étude de l’expression génique à l’échelle de la cellule unique, approches couplées à des analyses bio-informatiques et bio-mathématiques puissantes. Ces travaux que je mène dans l’équipe d’Olivier Gandrillon, au Laboratoire de Biologie et Modélisation de la Cellule (LBMC) à l’ENS de Lyon, relèvent du domaine de la recherche fondamentale et impliquent des étudiants, des ingénieurs ou assistant-ingénieurs et des chercheurs.

Au préalable, j’ai conduit d’autres projets de recherche bien différents notamment dans les domaines de la cancérologie et de la néphrologie, qui m’ont non seulement permis d’acquérir un vaste ensemble de connaissances et de compétences expérimentales, mais qui m’ont également offert l’opportunité de faire des rencontres exceptionnelles.

En qualité de chercheur, je m’engage également dans la formation par la recherche des étudiants, en leur inculquant les fondements essentiels de la démarche scientifique. Je supervise ainsi des étudiants en Master et en Doctorat.

Pour conclure par une note plus personnelle, ce qui me séduit dans le domaine de la recherche, c’est la possibilité d’apprendre de manière continue et de bénéficier d’une grande autonomie dans la conduite de mes projets, que ce soit dans la formulation des questions scientifiques ou dans la manière d’y apporter des réponses. Chaque chercheur apporte ainsi une brique dans la construction du savoir, savoir qui repose sur un travail collectif très enrichissant et stimulant impliquant des spécialistes de nombreuses disciplines scientifiques.

Activités d’enseignement 

Sur le plan pédagogique, je suis rattachée à l’UFR Biosciences de l’Université Claude Bernard Lyon 1.  Mes enseignements se concentrent principalement dans les domaines de la Génétique, de la Génomique, de la Biologie cellulaire et moléculaire, ainsi que dans le domaine de la Bioéthique/Intégrité scientifique.

Les domaines de la bioéthique et de l’intégrité scientifique me tiennent particulièrement à cœur, car je suis fermement persuadée de l’importance de sensibiliser nos étudiants à ces questions dès le début de leur parcours académique. En effet, les scientifiques ont la capacité de façonner l’avenir, mais cette capacité s’accompagne d’une grande responsabilité. Ils doivent donc être amenés à considérer l’impact de leurs découvertes, des développements technologiques ou des autorisations données. Il leur incombe également d’être des communicants honnêtes et pédagogues pour assurer la transmission d’informations compréhensibles et non erronées auprès du grand public.

Cérémonie de remises de diplômes 2023 – Master Biologie Moléculaire et Cellulaire – Université Claude Bernard, Lyon 1. Crédits photo : Sandrine Gonin-Giraud.

Par ailleurs, je suis aussi très sensibilisée au devenir de mes étudiants et à leur insertion professionnelle, ce qui m’a amené à devenir Référente pédagogique d’étudiants en L1 et L2 et à m’impliquer dans des Unités d’Enseignement ou missions d’aide à l’insertion professionnelle.

Je dispense des cours magistraux, des travaux dirigés et des travaux pratiques, et j’interviens à tous les niveaux de la Licence en Sciences de la Vie, ainsi qu’en Master. Outre la création ou la rénovation d’enseignements, j’assure aussi plusieurs responsabilités d’Unité d’Enseignement et de formation.

Je m’implique également dans diverses missions collectives au sein de mon UFR, ainsi qu’au niveau national, en tant que membre du Comité National des Universités de la section 65 (Biologie Cellulaire) par exemple.

Pour terminer cette partie à nouveau par une petite touche plus personnelle, ce que j’aime dans l’enseignement, c’est bien sûr la transmission des connaissances mais également la relation privilégiée que j’établis avec les étudiants (Photo Cérémonie de diplômes). Les retours positifs et encourageants de certains d’entre eux sont un véritable moteur dans ma pratique professionnelle. Enfin, garder le contact avec eux, même des années après notre parcours commun, est une grande source de satisfaction.

Parcours 

Après l’obtention de mon baccalauréat, j’ai rejoint l’Université Claude Bernard Lyon 1 pour entreprendre un cursus approfondi en Biologie, sans avoir la moindre idée, je l’admets, de la profession que j’envisageais.

Les enseignements me plaisant, j’ai poursuivi cette voie sans remettre en question mon choix initial. J’ai ainsi obtenu un DEUG-SVT (Diplôme d’Etudes Universitaires Générales-Sciences de la Vie et de la Terre), puis une Licence de Microbiologie (équivalent niveau L3).  Par la suite, j’ai eu la chance d’intégrer une maîtrise de Biotechnologies (équivalent niveau M1) qui accueillait une quinzaine d’étudiants. Cette formation nous permettait de travailler dans un laboratoire de recherche tout au long de l’année universitaire, lorsqu’aucun cours n’était programmé. Cette année de Maitrise a joué un rôle déterminant dans mon orientation professionnelle, tant j’ai apprécié cette première expérience immersive dans le domaine de la recherche. J’ai donc ensuite tout naturellement poursuivi ma formation par un DEA (Diplôme d’Etudes Approfondies, équivalent du M2) dans le domaine de la Différenciation, Génétique et Immunologie avant de réaliser mon doctorat dans l’équipe du Pr Arrigo qui m’avait accueillie durant ma Maitrise, au CGMC (Centre de Génétique, Moléculaire et Cellulaire) à l’Université Lyon 1. Durant ma thèse, j’ai saisi l’opportunité de faire de l’enseignement en tant que vacataire, expérience très appréciée qui a aussi été décisive dans mon choix professionnel. J’ai soutenu mon doctorat de Sciences en 1999 sur le thème de la Transformation cellulaire et des protéines de stress.

Après 2 stages post-doctoraux dont un à Genève sur des thématiques de recherche très différentes (Néphrologie, Mort cellulaire et métabolisme), j’ai rejoint fin 2001 la toute jeune équipe d’Olivier Gandrillon rattachée également au CGMC, qui s’intéressait aux mécanismes sous-jacents de la différenciation érythrocytaire dans des conditions physiologiques et pathologiques. C’est au sein de cette équipe que j’ai pu obtenir par concours mon poste de Maître de conférences en 2004. J’y mène toujours mes recherches, mais cette équipe est désormais affiliée à une autre Unité de recherche, le LBMC à l’ENS de Lyon.


Inscriptions pour la nouvelle session du « Comptoir des Sciences » 

Sciences à l’École consolide son offre de soutien aux enseignants dans le cadre de ses missions de promotion de la culture scientifique et technique dans les collèges et lycées, grâce au partenariat mis en place avec le Cercle FSER depuis 2022. L’an dernier, une vingtaine de collèges et lycées, bénéficiaires des plans d’équipement pilotés par « Sciences à l’École », ont participé au programme « Comptoir des Sciences » déployé par le Cercle FSER.

Le cercle FSER est une association ayant pour but de défendre, expliquer et valoriser la recherche fondamentale en la promouvant auprès des jeunes et en favorisant l’engagement des personnels de recherche dans le dialogue avec le grand public, une ambition partagée avec « Sciences à l’École ».

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Comptoir des Sciences se fixe pour objectif de promouvoir les échanges entre recherche et éducation en proposant, sur inscription, une rencontre en visioconférence entre une classe et un scientifique de la discipline souhaitée comportant une présentation de son domaine, suivie d’une séance d’échanges libres.

Le « Comptoir des Sciences » est une action financée par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, et par la Région Île-de-France.

Le partenariat mis en place entre « Sciences à l’École » et le Cercle FSER concerne les quelques 310 établissements scolaires bénéficiant des plans d’équipement déployés par « Sciences à l’École » : ASTRO à l’École, COSMOS à l’École, EXPERTS à l’École, GÉNOME à l’École, MÉTÉO à l’École et SISMOS à l’École.

Il offre à ces collèges et lycées un accès privilégié au programme Comptoir des Sciences déployé par le Cercle FSER.

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Chaque année, les plans d’équipement pilotés par « Sciences à l’École » bénéficient à près de 20 000 élèves, en mettant à disposition des enseignants des équipements scientifiques de pointe leur permettant de mettre en place des projets pédagogiques innovants dans des contextes d’apprentissage stimulants. Le matériel prêté aux établissements scolaires leur offre l’opportunité de mener des activités expérimentales dans des domaines scientifiques très variés : astronomie, physique des particules, criminalistique, biologie moléculaire, météorologie et sismologie.

Comment s’inscrire ?

Les inscriptions sont à l’initiative des enseignants, et s’effectuent sur la page dédiée sur le site web du Cercle FSER en répondant à un questionnaire en ligne. Les candidatures des établissements engagés dans les plans d’équipements déployés par « Sciences à l’École » sont traitées prioritairement, quelle que soit la localisation de l’établissement (y compris pour les établissements de l’AEFE).

Retrouvez ci-dessous le flyer présentant les modalités et liens d’inscription. À télécharger et diffuser sans modération !

Info CdS 2023