Depuis la première édition du concours CGénial en 2008, ce sont au total pas moins de 80 000 élèves qui ont été mobilisés autour de près de 4 000 projets scientifiques et technique inscrits. Le succès du concours se construit notamment grâce à l’implication des enseignants qui soutiennent les élèves dans la construction de leur projet.

« Sciences à l’École » a recueilli le témoignage de plusieurs enseignants qui exercent en lycée : ils racontent leur parcours, leur motivation et leur démarche visant à rendre les élèves acteurs de la construction de leurs savoirs.

FOCUS sur le lycée Bernard Palissy à Agen, avec les témoignages de :

  • Jean-Michel LACLAVERIE, professeur de physique-chimie ;
  • Adrien GAGNE, Clothilde FILIOL, Thalia BONNET et Raphaël MAIRET, élèves.

Le Lycée Bernard Palissy à Agen (académie de Bordeaux) – Crédits photo : site web « Le Petit Bleu d’Agen »


Jean-Michel LACLAVERIE, professeur de physique-chimie

Pouvez-vous présenter votre formation scientifique et votre parcours d’enseignant, notamment au lycée Bernard Palissy ?

J’ai été élève à l’université de Bordeaux I entre 1986 et 1991, en licence puis maîtrise de sciences physiques et enfin en prépa au CAPES et à l’agrégation de chimie. J’ai participé aux cours de la prépa de l’ENSCBP, lors de ma deuxième année d’université et j’ai passé les concours pour intégrer les écoles de chimie de Bordeaux, Rennes ou Montpellier. Lors des oraux, j’ai réalisé que je ne souhaitais pas devenir ingénieur, mais enseignant de sciences physiques. Je suis donc devenu professeur certifié de sciences physiques.

Pour obtenir l’agrégation interne de sciences physiques, le chemin a été long. Après avoir été 5 fois admissible à l’agrégation externe de chimie, j’ai pu enfin réussir l’agrégation interne de sciences physiques.

J’ai débuté ma carrière à Tours, puis après quelques années dans les collèges du Lot-et-Garonne, j’ai été nommé au lycée Bernard Palissy d’Agen. Je me suis formé pour enseigner en section euro sciences physiques, puis en spécialité ISN en 2011 et enfin en spécialité NSI en 2019-2021. J’enseigne aujourd’hui les sciences physiques, dont une partie en section euro et l’informatique.

De gauche à droite : Clothilde Filiol, Leïla Gagne, Thalia Bonnet, Adrien Gagne et Raphaël Mairet, élèves au lycée Bernard Palissy, et leur professeur Jean-Michel Laclaverie.

Qu’est-ce qui vous motive à inscrire des projets au concours CGénial ? Quel intérêt les élèves trouvent-ils à y prendre part ?

J’aime expérimenter, fabriquer des montages et les tester. J’aime agrémenter mes cours avec des expériences qui marquent les élèves et qui leur permettent de « toucher » la physique, comme par exemple leur faire dresser les cheveux sur la tête grâce à un générateur électrostatique pour découvrir les lignes de champs. C’est ce plaisir d’expérimenter qui m’a poussé à impliquer les élèves dans des projets pour le concours CGénial.

Les élèves y participent par l’intermédiaire d’un atelier. Le contenu abordé touche au programme de sciences physiques de Première ou Terminale. Cela leur permet de progresser dans cette matière. J’indique leur participation au concours sur le bulletin et sur Parcoursup. Malgré certaines difficultés pour maintenir la motivation, les élèves sont volontaires et me semblent heureux de participer. Ils gagnent en habileté expérimentale, en compréhension de la physique. Ils sont plus soudés les uns aux autres et reviennent parfois me voir, des années après, et me reparlent des projets que nous avons vécus ensemble.

– Comment procédez-vous chaque année pour construire un nouveau projet ? À quel point les élèves interviennent-il dans les choix à effectuer ? Quel est leur degré d’implication et d’autonomie dans les actions menées ?

Certaines années, les premières séances de l’atelier servent à établir un choix de sujet. Parfois des élèves viennent me voir avec une idée. En juin 2021 par exemple, 5 élèves de première voulaient monter un projet. Nous avons échangé par mail pendant l’été pour convenir d’un sujet réalisable. C’est la lecture du nouveau magazine scientifique Epsiloon, qui nous a permis de choisir les bulles sonores.

Après les premières séances d’expérience et de recherche les élèves gagnent en autonomie. Cette année par exemple, les élèves ont manipulé plusieurs fois seuls sur les battements sonores, grâce à la bienveillance de nos agents de labo. Le compte rendu est un fichier partagé, ce qui permet à chacun de le modifier, et à l’enseignant de cerner plus facilement le travail de chacun. Les élèves écrivent seuls à des scientifiques pour obtenir de l’aide.

– Pouvez-vous détailler votre histoire avec le concours CGénial au sein du lycée Bernard Palissy, ainsi que vos participations à d’autres concours ? Pouvez-vous nous faire part d’une participation au concours CGénial qui vous a particulièrement marqués vous et les élèves, une anecdote, un souvenir ?

Depuis 2008, j’ai encadré 29 projets pour le concours CGénial, les Olympiades de physique, le Stockholm Water Price ou Science on Stage.

La participation au concours CGénial qui m’a le plus marquée a eu lieu en 2012 à Paris. Mes élèves ont présenté un projet sur un modèle de détecteur de franchissement de feu rouge, « Un « radar » infaillible ? ». C’était la première fois que j’utilisais les microcontrôleurs Arduino grâce à un élève qui me les avait fait découvrir. En juin 2011, un premier modèle de détecteur avait été monté, mais Arnaud me dit que ce montage ne lui plaisait pas et voulait faire mieux. En septembre, il revient avec un montage basé sur un arduino et programmé avec son grand-père ingénieur! Nous avons gagné le deuxième prix lycée, Prix de la Fondation C.Génial/Technip, avec la visite du site d’Aberdeen. Nous sommes partis 3 jours en Écosse, après les épreuves du bac, visiter un centre de formation d’opérateurs de sous-marin. Les élèves ont travaillé sur un simulateur, puis sur un véritable sous marin utilisé pour réparer les pipelines. ils ont appris à manipuler les deux bras robotisés. Et nous avons découvert le haggis écossais au pub Ahraham Simpson !

– Un message pour convaincre les collègues qui ne connaissent pas le concours CGénial, de s’y inscrire ?

Chers collègues,

S’engager dans la préparation d’un projet pour le concours C.Génial est un gros travail qui demande beaucoup de motivation et de temps. Mais les bénéfices pour l’enseignant et les élèves sont nombreux. La relation enseignant-élèves en est transformée. Et le plaisir d’enseigner décuplé.

À gauche : Jean-Michel Laclaverie, professeur de physique-chimie, et Isabelle Lemoine, professeure de mathématiques, encadrent les élèves de passage à Paris, lors de leur participation à la finale nationale des Olympiades de Physique les 28 et 29 janvier 2022 organisée à Orsay sur le site de l’Université Paris-Saclay.

Adrien GAGNE, Thalia BONNET, Raphaël MAIRET et Clothilde FILIOL, élèves

Ils travaillent ensemble sur le projet « Chacun dans sa bulle ! » inscrit au concours CGénial 2022.

Qu’est-ce qui vous a motivé à participer à ce projet ?

Adrien En réalité j’étais déjà fortement intéressé par l’idée de participer à un concours tel que CGénial ou les Olympiades de Physique. Mais il est vrai que le sujet que nous avons présenté encourage fortement à s’investir dans l’accomplissement du projet.

Thalia  – Nous étions déjà inscrits au concours des Olympiades de Physique quand on nous a parlé de CGénial. Défendre notre projet sur un autre plan nous a donc intéressé. Un plan un peu moins  »purement scientifique » mais dont l’utilité de l’objet de notre étude et tout le temps que l’on y a dédié seraient davantage reconnus.

Raphaël – Et bien c’est par curiosité dans un premier temps! C’est à dire qu’en début d’année de terminale, j’ai entendu parler de ce projet que tenait M. Laclaverie et je me suis dis alors pourquoi ne pas aller voir ce que c’est! Un mercredi après midi, dans une salle dédiée à la physique-chimie,  notre professeur nous a donné rendez-vous, à d’autres élèves et à moi-même, pour trouver, chercher et débattre sur un possible projet. Ce qui m’a alors aussi motivé pour la suite fût la convivialité qui rayonnait dans la salle : les autres élèves étaient des camarades que j’appréciais et le professeur avait une attitude plus décontractée. De ce fait, les choses qui m’ont motivé à prendre part à ce projet sont la convivialité qu’il y avait et cette curiosité d’apprendre, de savoir, de découvrir et de comprendre.

Clothilde – Lors de notre année de première, notre professeur de physique nous a présenté ce qu’étaient les concours CGénial et les Olympiades de physique aux travers de diverses anecdotes des projets antérieurement réalisés avec des élèves volontaires. Désireuse de nouvelles expériences, j’ai décidé d’y participer afin d’entreprendre une perception de la physique différente de celle enseignée de manière purement académique. Lorsque nous avons choisi de réaliser un projet sur les bulles sonores, nous ne savions pas vraiment à quoi nous attendre puisque c’est un sujet encore peu connu et dont la maîtrise mathématique dépasse de loin nos connaissances. Nous ne nous sommes pas découragés pour autant, bien que nous soyons passés par de nombreux échecs qui devinrent progressivement des réussites. Et même si à l’heure actuelle nous ne sommes  pas encore en mesure d’entendre les bulles sonores, nous avons bien pour ambition de continuer à nous réunir pour mener à bien cette expérience riche aussi bien en connaissances qu’en émotions.

De gauche à droite : Thalia, Leïla, Raphaël, Adrien et Clothilde, soudés autour de leur projet.

En quoi la participation a un tel travail de groupe peut-elle déclencher des vocations scientifiques ?

Adrien – Pour moi la réponse tiendrais en un seul mot, le « processus ». En effet le processus de création d’un tel projet est tout sauf monotone ou plat. Pour énoncer quelques étapes de réalisation du processus on peut évoquer la planification des différents objectifs, la réalisation des expériences, l’analyse de ces expériences, la création d’un modèle, etc… Et il est vrai que la diversité de ce travail et de ces activités donne vraiment le goût du raisonnement et du travail scientifique.

Thalia – Nous savions déjà tous les cinq que nous allions travailler dans des domaines scientifiques, que ce soit de l’ingénierie, du vétérinaire ou de la médecine. Par conséquent, des vocations scientifiques n’ont pas été déclenchées chez nous à cette occasion. Cependant, il est très facile de reconnaître que le travail d’équipe qui s’organise autour de la réalisation dans le temps d’un tel projet est grisant. Et c’est en cela, je pense, que des vocations peuvent se déclencher. Cela ajoute à la mise en œuvre qui s’éloigne beaucoup de ce dont nous avons l’habitude en classe et lui donne donc un côté plus professionnel et bien plus intéressant.

Raphaël – Ce projet est en quelque sorte une réponse à une problématique sociétale par une démarche scientifique. La démarche scientifique se caractérise par trouver, chercher, démontrer et ouvrir ses propres horizons face à un ou des problèmes pour comprendre notre réalité, par exemple. Cette démarche ressemble un peu à comment nous pouvons nous-mêmes fonctionner face à un problème : on essaye de trouver, on imagine, on tente, parfois sans réussite, nous amenant à changer de voie pour y trouver la solution. La problématique quant à elle n’est autre que le lien entre ce que l’on fait et la société dans laquelle on vit. Faire alors ce projet, c’est faire face à quelque chose de concret, qui nous concerne et donc auquel on se rapporte davantage, tout en utilisant un schéma de pensée qui n’est pas inconnu, qui nous est même familier. Faire ce projet permet aussi de s’ouvrir à des domaines qui nous étaient alors inconnus. Or, par aisance et par volonté de comprendre ce que nous sommes ou ce qui nous constitue, faire ce projet amène à se familiariser avec la voie scientifique.

Clothilde – Participer à un tel projet requiert un travail pour le moins important et le fait de l’avoir entrepris ensemble nous permet de nous encourager mutuellement. Mais cela demande également de s’intéresser pleinement au sujet choisi et d’aller au-delà des « simples » cours de physique dispensés pendant l’année. Ces recherches nous ont aussi permis de découvrir certains aspects de l’acoustique pour le moins étonnants, auxquels nous ne nous attendions pas, ce qui attisa encore notre curiosité d’en apprendre davantage sur cette discipline. Notre intérêt a grandi encore plus lorsque, lors de notre participation aux Olympiades, nous avons eu la chance de rencontrer un ingénieur et un chercheur en acoustique qui nous ont énormément conseillé sur nos démarches futures. Par conséquent, l’entreprise d’un tel projet amène à découvrir de nouvelles facettes de la physique et permet de porter un intérêt particulier sur un de ses multiples domaines.

Remise de diplômes et récompenses pour les élèves lors de leur participation en finale nationale des Olympiades de physique en janvier 2022 – Crédits Photos : compte twitter Olympiades de Physique France

Comment ce travail a-t-il modifié votre perception du rapport enseignants-élèves ?

Adrien – Au début, c’est assez étrange de travailler avec notre professeur en dehors du cadre scolaire, mais une fois que nos objectifs sont claires et que quelques sessions de travail sont passées, c’est assez banal de pouvoir faire évoluer le projet au côté de notre professeur. Je pense même pouvoir dire que nous sommes tous très contents d’avoir pu être accompagnés par M. Laclaverie tout le long du projet, et aujourd’hui encore.

Thalia – Le rapport professeur-élèves, comme on en a l’idée, peut évoquer quelque-chose d’assez austère. La distance qui est instaurée entre les enseignants et nous, empêche souvent l’attachement, par conséquent, les liens ne sont pas très développés, et même peuvent devenir conflictuels ou source d’angoisse. Travailler en compagnie de notre professeur nous a rapprochés. On a pu découvrir des pans de lui qu’il n’affiche pas en classe et a contrario, il a pu avoir un meilleur aperçu des personnes que nous étions derrière les élèves auxquels il donnait cours. Du fait de ce rapport changé, les relations que nous entretenons à présent sont plus riches et on ressent beaucoup plus de complicité.

Raphaël Il faut savoir que bien évidemment, passer du temps avec des professeurs hors temps dit scolaire permet de voir d’autres facettes des professeurs comme des élèves. Il en va alors de soit que la compréhension de notre professeur de physique-chimie M. Laclaverie a été approfondie via le projet. En effet,  travailler ensemble sur un projet, faire de ce qui pourrait être appelé de la » recherche scientifique » c’est tout autre chose que de transmettre un savoir et le mettre en œuvre. Alors forcément faisant appel à d’autres compétences, les aptitudes requises ne sont plus les mêmes que celles en cours et on voit d’autres particularités qui apparaissent. De ce fait, élèves comme professeurs, n’ont plus forcément les mêmes rôles et on perçoit et comprend des faces « cachées » jusqu’à présent. Pour en revenir à la question, oui ce travail a modifié ma perception du rapport enseignants-élèves. Il y a souvent un mur, pas forcément un fossé mais une distance entre le professeur et l’élève généralement, afin que l’élève associe le fait de travailler à ce professeur en se créant une image de ce qu’il est en cours. Seulement nous l’avons bien vu lors de ce projet, être professeur n’est qu’un des aspects de la personne: un professeur à l’écoute ne l’est pas forcement en dehors de la classe. De même qu’un professeur étant exigeant peut s’avérer être indulgent en dehors des heures de cours. Pour ma propre expérience, j’en déduis qu’il faut alors pouvoir déconstruire la première impression qu’un professeur vous donne puisque ce n’est pas forcément comment il ou elle est dans toute son entièreté. Certains professeurs s’ouvrent au fur et à mesure de l’année à leurs élèves.

Clothilde – Ce travail avant tout collectif fut d’un grand intérêt dans notre interaction avec notre professeur de physique. Il s’est en effet révélé être d’un grand soutien lors de nos passages oraux notamment. Tout en nous guidant et nous encourageant, il a également su nous expliquer de manière claire et concise les points les plus difficiles à comprendre de l’acoustique. Sa motivation et son implication furent également d’une grande aide lorsque nous ne réussissions pas les démarches entreprises. Il a en effet su, tout au long de la réalisation du projet, nous accompagner et nous mener sur la bonne voie. Enfin, la passion de la physique qui l’anime ne nous a pas échappée et il réussit à nous l’inculquer avec brio grâce à cette expérience inoubliable.

Crédits photos (sauf mention contraire) : Jean-Michel LACLAVERIE-Lycée Bernard Palissy

Retrouvez toutes les informations sur le concours CGénial en cliquant sur les liens suivants :

PRÉSENTATIONFINALE NATIONALECONCOURS PARTENAIRES